Ce tremblement de terre du 14 Août 2021 nous attriste tous et nous invite à continuer la réflexion sur la gouvernance de notre pays.
Mes impressions, premièrement, c’est que contrairement au tremblement de terre du 12 janvier 2010 qui affecta directement moins de 1 000 kilomètres carrés du territoire national et causa des pertes en vies humaines effarants (250 000 morts sur une population de 3 millions), cette dernière catastrophe malgré qu’elle couvre toute une péninsule plus de 6 000 kilomètres carrés fera 10 fois moins de victimes (peut-être 2300 morts sur une population de 1,5 millions). Proportionnellement, le Grand Sud a beaucoup mieux performé que Port-au-Prince. La grande proportion des constructions traditionnelles avec des toits en tôle dans le Sud, une densité de population raisonnable et une occupation du territoire plus efficace, ont sauvé des vies.
Deuxièmement, on a remarqué en 2021 un élan de solidarité interrégionale officielle qui faisait défaut en 2010. En effet, on peut citer la mairie du Cap en tant qu’autorité régionale qui a dépêché par avion en deux temps, 2 contingents de sapeurs-pompiers pour aller aider le Sud. Les gens du Nord-Ouest ont envoyé de l’aide monétaire et de la nourriture pour aider les victimes. Un sénateur de l’Artibonite a fait don de 300 sacs de riz de l’Artibonite aux gens du Sud, etc. Un regroupement de 40 menuisiers de P-au-P ont offert leur service gratuit pour la reconstruction des maisons, etc. Ce n’est pas parce que P-au-P à travers le gouvernement central ne se sent aucune obligation envers les régions que celles-ci ne peuvent pas s’entraider. L’entraide fait partie des valeurs haïtiennes, au moins en province.
Troisièmement, on a vu des équipements lourds en action immédiatement pour déblayer les décombres à certains endroits. Ce spectacle était absent en 2010. Ceci est possible, parce que l’état central avait doté chaque département du pays d’équipements lourds pour pouvoir construire leurs propres infrastructures.
Enfin, quatrièmement, encore une fois le gouvernement central de P-au-P ne sert pratiquement que d’intermédiaire avec les étrangers qui eux ont vraiment les moyens d’investir dans l’aide aux victimes et dans toute reconstruction. Ce gouvernement n’ajoute aucune valeur à son intervention auprès des étrangers au nom des provinces et constitue même une embuche. Alors, si c’est le cas, il serait plus efficace pour les provinces d’avoir la capacité et l’autorité d’interagir directement avec les acteurs étrangers intervenant sur leur territoire, ceci au côté du gouvernement central. Ils pourront parler en leurs propres noms, identifier leurs vraies priorités et défendre leur propre vision de leur développement.
Tout ceci pour dire que si les institutions socio-politiques ont fait défaut en 2010, si toutes les institutions étatiques ont failli à Port-au-Prince de 2018 à 2021, il y a lueur d’espoir pour le reste du pays. Le reste d’Haïti n’a besoin que d’avoir légalement et effectivement ces propres moyens locaux pour se prendre en main. Dans un contexte fédéral d’autonomie des provinces, le Grand Sud aurait cinq à dix fois plus de moyens régionaux que présentement pour se prendre en main, de même que les autres régions du Grand Nord, du Grand Centre, du Grand Ouest et de Port-au-Prince. Alors, les mêmes actions et performances locales mentionnées pourraient elles aussi être multipliées par cinq ou dix.